Eridu

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Jerome Couturier
publié le 20 juillet 2010
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Disponible dans ces autres langues: anglais, arabe, serbe, espagnol
Representation of the Port of Eridu (by Таис Гило, Public Domain)
Représentation du port d'Eridu
Таис Гило (Public Domain)

Eridu (aujourd'hui, Tell Abu Shahrain, Irak) était considérée comme la première ville du monde par les anciens Sumériens et est parmi les plus anciennes des ruines de Mésopotamie. Fondée vers 5400 AEC, Eridu était supposée avoir été créée par les dieux et était le foyer du grand dieu Enki (Ea, pour les Akkadiens). Enki devait évoluer d'un dieu local de l'eau douce au dieu de la sagesse et de la magie (entre autres attributs). Il se tenait au côté d'autres divinités telles que Anu, Enlil et Inanna, parmi les plus importantes du panthéon mésopotamien.

La Liste Royale Sumérienne (texte historiographique datant des environs du 20ème siècle AEC) cite Eridu comme la «ville des premiers rois», déclarant: «Après que la royauté soit descendue du ciel, elle s'établit à Eridu». La ville était regardée par les différentes cités-états de Mésopotamie comme une métropole d'un 'âge d'or', de la même manière que les auteurs du récit biblique de la Genèse inventèrent un "Jardin d'Eden", leur paradis mythique, très probablement calqué sur Eridu. La ville fut abandonnée vers 600 AEC, probablement en raison de la surutilisation de la terre, et tomba en ruine.

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La Première Ville

LA VILLE D'ERIDU FIGURE EN BONNE PLACE DANS LA MYTHOLOGIE SUMERIENNE, NON SEULEMENT EN TANT QUE PREMIèRE VILLE, MAIS AUSSI COMME FOYER DES DIEUX.

La ville d'Eridu figure en bonne place dans la mythologie sumérienne, non seulement en tant que première ville et foyer des dieux, mais aussi en tant que lieu vers lequel la déesse Innana se rendit afin de recevoir les dons de la civilisation qu'elle conféra ensuite au peuple de sa ville natale, Uruk. Uruk rivalise avec Eridu chez les chercheurs modernes pour l'honneur de la plus ancienne ville de Mésopotamie, voire du monde.

Les anciens croyaient certainement qu'Eridu était la première ville, et la Liste Royale Sumérienne donne des règnes incroyablement longs (certains entre 28 000 et 36 000 ans) à leurs rois, tandis que les scribes sumériens soutenaient que la royauté dans le pays était venue du ciel pour s'établir à Eridu. Le chercheur Stephen Bertman écrit:

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La tradition en a fait la première ville à avoir un roi avant les jours du mythique Déluge. L'histoire archéologique d'Eridu remonte au moins au sixième millénaire AEC. Si la tradition de son antiquité est vraie, Eridu pourrait bien avoir été la première ville au monde. (19)

Si ce n'était la première, la ville était parmi les plus anciennes. Les anciens Mésopotamiens construisaient fréquemment leurs villes sur les ruines d'anciens établissements (c'est aussi le cas dans d'autres cultures). Les fouilles à Eridu ont révélé une séquence de construction remontant à la période d’Obeïd (vers 6500-3800 AEC) et continuant à partir de là pour atteindre son apogée pendant la Période Ur III (2047-1750 AEC) sous des souverains tels que Ur-Nammu (règne 2047-2030 AEC) et Shulgi, son fils (règne 2029-1982 AEC). L'historienne Gwendolyn Leick souligne: "Eridu n'a jamais été le siège d'une dynastie. Son importance était plus religieuse que politique, en tant que siège du sanctuaire principal d'Enki" (62). Enki, dieu de la sagesse, figurait en bonne place dans de nombreux textes mésopotamiens, et en particulier dans le récit du Déluge raconté dans l'Epopée d’Atrahasis et dans le texte mythologique la Genèse d'Eridu.

Enki et Eridu

Eridu était le foyer d'Enki et le centre de son culte. Bertman commente les ruines du temple d'Enki:

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Le temple du dieu a été retrouvé et montre qu'il a été reconstruit au long de milliers d'années. Dans sa première phase (datant d'environ 5500 AEC), il mesurait environ 3,60 m sur 4,60 m, était fait de briques crues et comportait un simple podium ou un autel pour les sacrifices et une niche contenant une statue du dieu. À en juger par des restes trouvés dans une niche plus tardive - des arêtes de poisson et des cendres éparpillées sur le sol autour de l'autel - le repas préféré du dieu était le poisson d'eau douce. L'antiquité du temple en fait le plus ancien de l'histoire architecturale et religieuse mésopotamienne. (20)

Enki était associé à l'eau douce, tout comme Eridu elle-même car elle était située dans les marais du sud de l'Euphrate. Il n'est donc pas surprenant qu'Enki et Eridu figurent dans la première des histoires du Déluge à partir de laquelle le récit de Noé et de son arche ont été plus tard développés. La Genèse d'Eridu (composée vers 2300 AEC) est la première description du Déluge, antérieure au livre biblique de la Genèse. C’est la légende d'un homme bon, Utnapishtim, qui construit un grand bateau selon la volonté des dieux et rassemble à l'intérieur "la semence de tous les êtres vivants" selon la suggestion d'Enki. Enki joua un rôle déterminant dans la création de l'humanité, et quand Enlil, le roi des dieux, fut fatigué du bruit de l'humanité et décida de la détruire, c'est Enki qui préserva la vie sur terre en sauvant Utnapishtim et tous les animaux du monde.

La Genèse d'Eridu a peut-être été le premier enregistrement écrit d'une longue tradition orale d'autour de 2800 AEC, lorsque l'Euphrate a débordé ses rives et a inondé la région. Les fouilles de Leonard Wooley à Ur en 1922 EC ont révélé une couche de 2,40 m de limon et d'argile, correspondant à des sédiments de l'Euphrate, ce qui semblait appuyer la réalité d'une inondation catastrophique dans la région autour de 2800 AEC. Cependant, des notes de fouille prises par l'assistant de Wooley, Max Mallowan, montrent que l'événement était clairement un événement local et non mondial.

Un conte de proto-Genèse du Jardin a été trouvé à Eridu dans lequel Tagtug, le jardinier, est maudit par Enki pour avoir mangé le fruit de l'arbre interdit dans le jardin après qu’il lui ait été dit de ne pas le faire. Eridu est en outre associé à l'histoire du grand sage Adapa (serviteur d'Enki), qui fut initié à la signification de la vie et à toute compréhension par le dieu de la sagesse, mais qui fut finalement trompé par lui qui lui refusa la seule chose qu'il voulait le plus: la connaissance de la vie sans la mort, la vie éternelle.

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Le désir d'immortalité figure en bonne place dans la littérature mésopotamienne et dans les écrits sumériens en particulier, et il est illustré dans l'Epopée de Gilgamesh, roi d'Uruk. Le lien d'Uruk avec Eridu est significatif en ce que l'importance initiale d'Eridu a été éclipsée plus tard par la montée d'Uruk. Ce transfert de pouvoir et de prestige a été vu par certains chercheurs (parmi eux les historiens Samuel Noah Kramer et Paul Kriwaczek) comme les débuts de l'urbanisation en Mésopotamie et un passage significatif du modèle rural de la vie agraire à un modèle centré sur l'urbain. L'histoire d'Inanna et le Dieu de la Sagesse, dans laquelle la déesse d'Uruk prend le meh sacré (dons de civilisation) à Enki, le dieu d'Eridu, peut être vue comme un récit ancien symbolisant ce changement de paradigme de la culture sumérienne. Le centre de commerce prospère d'Uruk remplaça la rurale Eridu.

Map of Sumer and Elam
Carte de Sumer et Elam
Phirosiberia (CC BY-SA)

Eridu comme Babel

Malgré cela, Eridu était un centre important pour le commerce et la religion et, à son apogée, c'était un grand mélange de cultures, comme en témoignent les diverses formes d'art trouvées dans les ruines. Sous les règnes d'Ur-Nammu et de Shulgi, la ville prospéra. Bertman écrit:

Les citoyens de l'ancienne Eridu étaient fiers [à juste titre] d'une autre structure [en plus du temple d'Enki]: une puissante ziggourat édifiée vers 2100 AEC par Ur-Nammu, roi d'Ur, et son fils. Bien que sa plate-forme érodée ne mesure que 9 m environ aujourd'hui, sa base de briques cuites mesure plus de 46 m sur 61 m et soutenait autrefois une structure beaucoup plus imposante. (20)

La grande Ziggourat du roi Amar-Sin dans le centre de la cité a été associée à la Tour de Babel du Livre de la Genèse et à la ville biblique de Babel elle-même. Cette association découle de découvertes archéologiques qui soutiennent l'affirmation selon laquelle la ziggourat d'Amar-Sin ressemble plus à la description de la Tour biblique qu'à toute description de la ziggourat à Babylone.

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En outre, l'historien babylonien Bérose (vers 200 AEC), qui était une source majeure pour les historiens grecs tardifs, semble faire clairement référence à Eridu quand il écrit sur "Babel" comme "Babylone". Sa "Babylone" se trouve dans les marais du sud de l'Euphrate et est patronnée par le dieu de la sagesse et de l'eau douce. Cette association suggère fortement qu'Eridu est la Babel biblique originale, car l'histoire de la grande Ziggurat d'Amar-Sin a probablement été transmise oralement avant que Bérose ne rédige la structure légendaire.

Conclusion

Eridu a été abandonnée par intermittence au cours des années pour des raisons qui restent incertaines et, finalement complètement délaissée aux alentours de 600 AEC. La cause est très probablement la surexploitation des terres. Le chercheur Lewis Mumford, qui a étudié le phénomène de la ville à la fois ancienne et moderne, souligne qu'une ville déclinera lorsqu'elle "n'est plus en relation symbiotique avec son territoire environnant" (6). C'est sans doute ce qui en a fait tomber de nombreuses, sinon la plupart des grandes villes de Mésopotamie qui n'avaient pas été détruites lors des conquêtes.

En tant que centre religieux et commercial populaire, Eridu a sans aucun doute attiré une nombreuse population, pèlerins et marchands, sans parler de ses citoyens, et ainsi la ponction sur les ressources des régions environnantes a dû être assez importante, et finalement trop dure à supporter. Il est possible, voire probable, que la ville ait été périodiquement abandonnée pour permettre au terrain de se régénérer. Quelle que soit la raison de son abandon définitif, les ruines d'Eridu sont aujourd'hui en grande partie des dunes de sable balayées par le vent. Il reste très peu de chose pour rappeler au visiteur la ville autrefois puissante qui a été fondée et aimée par les dieux.

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Traducteur

Jerome Couturier
Je suis médecin, spécialisé en Génétique. J'aime l'Histoire et l'Antiquité depuis mon plus jeune âge. J'ai toujours eu un interêt pour la recherche dans divers domaines scientifiques, dont l'archéologie.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2010, juillet 20). Eridu [Eridu]. (J. Couturier, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-129/eridu/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Eridu." Traduit par Jerome Couturier. World History Encyclopedia. modifié le juillet 20, 2010. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-129/eridu/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Eridu." Traduit par Jerome Couturier. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 20 juil. 2010. Web. 19 avril 2024.

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